La Commission des Bons Offices (CBO) est née de la constatation qu’il fallait un outil pour aider à la résolution de litiges de plus en plus nombreux (et souvent inextricables) qui survenaient entre les travailleurs des ambassades et leurs employeurs. Chaque fois qu’un conflit naît entre le travailleur et l’ambassade, la partie semble gagnée d’avance. Soit les tribunaux belges invoquent l’immunité de juridiction et se déclarent incompétents, soit ils décident que les arguments du travailleur ne sont pas pertinents, soit lorsqu’on a la chance de porter une affaire devant le tribunal et que l’on gagne, l’immunité d’exécution empêche le travailleur d’obtenir toute indemnité ou condamnation effective de son employeur.
L’idée principale de la CBO, lors de sa création, était donc d’agir en amont et de tenter, par la médiation, de résoudre les litiges survenus entre employeurs et travailleurs de ce secteur un peu particulier.
Le deuxième objectif de la CBO, et pas le moindre, était de prévenir l’émergence de conflits en proposant des changements réglementaires et législatifs afin d’améliorer la situation des travailleurs en leur accordant un statut légal.
La CBO, qui fut confirmée par l’Arrêté Royal du 23 mai 2013, et présentée officiellement par la Ministre de l’Emploi de l’époque, Madame Monica De Coninck, lors de la seconde Assemblée Générale de l’Intersyndicale du Personnel des Ambassades deux jours plus tard, se réunit pour la première fois le 3 juillet 2013.
Depuis, à raison d’une réunion mensuelle, elle travaille à l’amélioration du statut des travailleurs des ambassades. Pour rappel, elle est composée des syndicats (FGTB et CSC), d’experts et de fonctionnaires des ministères des affaires étrangères, de l’emploi, de la sécurité sociale et des finances.
La mise en place de la CBO ne fut pas facile : il fallait concilier les intérêts légitimes des travailleurs avec la frilosité des affaires étrangères belges et l’inexistence de dialogue entre les différents protagonistes. Au début, les membres de la CBO s’observaient et cherchaient leurs marques. Chacun défendait son point de vue et se réfugiait derrière ses règlements et des intérêts « supérieurs ». Mais au fil du temps, un climat de confiance et de travail s’est installé et chacun des membres a trouvé sa place et travaille dans un but commun : défendre les intérêts des travailleurs et faire comprendre aux employeurs qu’il y a des règles à respecter.
Le fonctionnement de la CBO est assez souple : chaque membre peut introduire un dossier ; ensuite une discussion s’engage entre les membres de la CBO afin de décider quelle serait la voie la plus efficace pour régler le cas d’espèce. Cela va de l’envoi d’une lettre officielle signée par le Président de la CBO, Monsieur Michel Aseglio, à l’invitation, dans les locaux du Protocole, du Chef de Mission ou de son représentant en présence du Président de la CBO et de son Vice-président, le Chef adjoint du Protocole, Monsieur Pascal Grégoire (précédemment, Monsieur Christian Van den Hove et Mme Karine Schneider).
Voyons maintenant quels sont les résultats de la CBO, aussi bien du point de vue de la résolution de conflits que de celui de l’amélioration du statut des travailleurs des ambassades.
Un an après sa première réunion, la CBO a fait le bilan de ses actions. Il en ressortait, entre autres, que l’instauration d’un dialogue avec les représentants des états étrangers était plus que nécessaire mais pas suffisant. Ainsi, certains dossiers ont échoué et ont abouti devant la justice.
A plusieurs reprises, la CBO a dû envoyer de nombreux rappels et convoquer (même si d’un point de vue diplomatique, on préfère dire « inviter ») plusieurs fois le même chef de mission sans obtenir sa collaboration. A la limite, a-t-elle reçu la vague promesse qu’une action prochaine serait prise lorsque les autorités du pays auraient donné leur assentiment.
Le Protocole a dû prendre dans certains dossiers des mesures plus « musclées » (d’un point de vue diplomatique, cela s’entend), telles le gel de l’exemption de la TVA sur l’achat de carburant ou le refus d’accepter l’envoi de nouveaux diplomates. Ainsi, actuellement, un véritable bras de fer s’est engagé entre la CBO et l’Ambassade d’Indonésie qui n’a toujours pas inscrit ses employés à l’ONSS.
La vérité est que la médiation a donné très peu de résultat. Les ambassades promettent, tergiversent, essaient de gagner du temps et font preuve de très peu de bonne volonté. Elles s’accrochent à leurs privilèges et se cachent derrière leur Etat, dont elles ne sont finalement que les représentantes.
La vérité est que plusieurs travailleurs ont été licenciés pour avoir simplement demandé que leurs droits soient respectés et s’être adressés à la CBO.
Le seul point positif est que maintenant les ambassades savent qu’elles doivent respecter le droit applicable en Belgique et qu’elles peuvent être à tout moment rappelées à l’ordre.
On ne peut néanmoins que regretter la lenteur du traitement des dossiers : cela est dû au fait que la CBO ne se réunit qu’une fois par mois et que ses membres doivent remplir d’autres fonctions principales, ce qui ne leur permet pas de se consacrer entièrement à la CBO. Pour rappel, aucun budget n’est accordé à son fonctionnement qui ne repose finalement que sur la bonne volonté de ses membres.
En ce qui concerne le second objectif de la CBO, à savoir améliorer le statut des travailleurs des ambassades, le résultat est plutôt encourageant : un contrat de travail type et un règlement de travail ont été rédigés.
Le contrat de travail (temps-plein et mi-temps) a d’ailleurs été transmis aux ambassades par Note Verbale et se trouve sur le site du Protocole. Il en sera bientôt de même pour le règlement de travail.
Cependant, ne cédons pas à un angélisme naïf : à l’heure actuelle, on ne peut toujours pas obliger une ambassade à suivre ces modèles de contrat de travail. Tout est basé sur leur « bonne volonté », ce qui veut dire qu’on est loin du compte. Tout au plus, peut-on se réjouir que maintenant, elles ne puissent plus dire qu’elles ne sont pas au courant.
Il en va de même pour l’adoption du règlement de travail rédigé par la CBO. Pour qu’il puisse s’appliquer aux travailleurs des ambassades, encore faudrait-il que la loi du 8 avril 1965 instituant le règlement de travail soit modifié afin que son champ d’application s’étende aux ambassades. Ce n’est pas gagné d’avance.
C’est là que l’on voit la limite de la CBO, en particulier, et de notre Intersyndicale, en général. Si nous n’avons pas l’appui du politique, nous serons impuissants et ne pourrons pas faire avancer les choses.
En effet, le principal objectif que s’est donné la CBO pour l’année 2015 est de faire inclure les missions diplomatiques et postes consulaires dans la loi du 5 décembre 1968 relative aux conventions collectives de travail et commissions paritaires. Une fois que cela sera fait et que les ambassades seront mises devant le fait accompli, beaucoup de contestations n’auront plus lieu d’être et le choix qui leur sera laissé sera très simple. Respecter la loi ou faire face à des problèmes avec le Protocole et/ou des procès de plus en plus nombreux.
Il s’agit d’un rapport de forces et le combat est inégal. Mais cela ne veut pas dire qu’il ne peut être gagné. Le processus est enclenché et que cela plaise ou non aux ambassades, personne ne pourra l’arrêter.
Les travailleurs des ambassades, consulats et organisations internationales se sont organisés en Intersyndicale. Et la CBO est devenue leur bras « armé » pour faire entendre leurs revendications et faire respecter leurs droits. Malgré les défaitistes qui disent que la CBO « ne sert pas à grand-chose », elle a le mérite d’exister et d’avoir réuni tous les acteurs qui ont un rôle à jouer dans ce dossier.
Il ne reste plus qu’à espérer que le monde politique prendra ses responsabilités et rendra justice aux milliers de travailleurs des ambassades. Il en va de la crédibilité internationale de la Belgique qui ne cesse de se présenter comme le cœur de l’Europe.