Situation
La plupart des missions diplomatiques basées en Belgique essayent de respecter la législation sociale belge. Cependant, nombre d’entre elles – et le chiffre a malheureusement tendance à augmenter – se permettent quelques libertés. Ainsi, un grand nombre de travailleurs occupés dans les missions diplomatiques se voient-ils obligés de signer des contrats de travail qui leur sont défavorables ou alors des CDD à répétition ne prévoyant ni augmentation ni amélioration de leurs conditions de travail. Certains n’ont d’autre choix que d’accepter des salaires en-deçà du minimum légal.
Mais il y a encore plus grave ! En effet, que dire de ceux qui n’ont même pas de contrat de travail ou reçoivent leur salaire de la main à la main et selon le bon vouloir de leur employeur ! Il ne s’agit pas de cas isolés : le travail non déclaré a tendance à se généraliser dans les ambassades, et ce en toute impunité. Et l’engagement de travailleurs en situation illégale en Belgique est monnaie courante.
Le contrôle social est quasi inexistant car l’Inspection du travail ne peut pas accéder aux locaux des missions diplomatiques ni encore moins consulter le moindre document se référant au personnel occupé.
Les travailleurs non déclarés se trouvent souvent dans une situation impossible et n’osent pas se rebeller de peur de perdre cet emploi qui leur permet de survivre ici en Belgique et de faire vivre leur famille restée dans leur pays d’origine. Parfois, il s’agit de travailleurs que les diplomates ont apportés « dans leurs bagages » et à qui l’on promet une carte de séjour et un contrat de travail. Les mois et les années passent et ils n’en voient jamais la couleur !
Leurs conditions de travail sont parfois moyenâgeuses et leurs salaire s misérables. Ils ne bénéficient ni d’assurance maladie ni d’accidents du travail et encore moins d’allocations familiales ou de congés payés.
Pour ceux qui ont un contrat de travail et sont « déclarés », le doute subsiste quant au paiement de leurs cotisations ONSS ou de leur précompte professionnel. Aucune certitude n’est possible quand on ne reçoit pas de fiche de salaire !
C’est ainsi qu’ayant travaillé de très nombreuses années au service de missions diplomatiques, certains constatent à la fin de leur carrière qu’ils n’ont pas été déclarés ou seulement durant les dernières années.
Les conséquences pour les pensions sont bien sûr catastrophiques : des carrières très incomplètes et des pensions qui ne permettant pas de vivre décemment.
Le travail non déclaré prend aussi différentes formes :
– Temps partiel mais travaillant en noir le reste du temps
– Chômeur occupé et ne recevant qu’un complément salarial par la Mission Diplomatique
– Temps plein mais faisant beaucoup d’heures supplémentaires qui ne sont ni rémunérées, ni récupérées.
Aspects Juridiques
Toute personne qui dispose d’un contrat de travail doit être «déclarée » à I’ONSS. La déclaration porte sur la rémunération payée et implique le paiement de cotisations de sécurité sociale. Ces cotisations sont d’une part celles « personnelles» (13,07 % qui doivent être retenues sur le salaire) et celles« patronales» (33% que l’employeur doit payer en plus).
Le fait que l’employeur soit un état étranger ne change rien à ces obligations. L’état étranger est tenu aux mêmes obligations que n’importe quel autre employeur. Seule une convention internationale peut déroger à ce principe. Brièvement et en règle générale, les obligations s’appliquent dès que travailleur a la nationalité belge ou a en Belgique sa résidence permanente.
Les cotisations de sécurité sociale sont essentielles pour bénéficier des prestations de sécurité sociale (indemnités en cas de maladie, intervention dans les frais médicaux et d’hospitalisation, indemnités en cas de chômage, pension de retraite, allocations familiales,…).
Que faire si l’employeur n’a pas déclaré tout ou partie de votre rémunération à I’ONSS (et donc payé les cotisations y afférentes) ? Il est possible d’obtenir la régularisation de ces cotisations, à charge intégrale de l’employeur (qui ne pourra donc vous réclamer les cotisations « personnelles » non retenues, restant tenu au paiement de ces cotisations)
Tout d’abord, vous pouvez vous adresser à I’ONSS ou au Contrôle des lois sociales.
L’ultime recours est le Tribunal du travail. Devant le Tribunal, vous pouvez obtenir la condamnation de l’employeur à payer les cotisations éludées pour l’ensemble de la période de travail, ce qui peut résoudre la question du droit aux prestations pour l’avenir. Pour le passé, vous pouvez obtenir des dommages et intérêts. Ces dommages peuvent correspondre au coût de l’assurance hospitalisation que vous avez contracté, aux allocations familiales et allocations de naissance non perçues, aux indemnités non perçues en cas de maladie ou de grossesse,… bref aux prestations sociales que vous n’avez pas pu obtenir ou au remboursement des frais exposés pour obtenir des prestations équivalentes.
Ainsi, un arrêt du 1er avril 2009 a condamné l’ambassade ayant occupé Madame S. à payer les cotisations pour ses 8 années de travail, sans préjudice du dommage subsistant après cette régularisation. De même, dans un arrêt du 15 septembre 2011, la régularisation des cotisations portant sur la période de juillet 1973 à octobre 2008 a été obtenue. Un autre arrêt du 9 janvier 2013 a condamné l’état étranger au paiement de près de 40.000 € pour indemniser le préjudice passé. La régularisation des cotisations a été également ordonnée, depuis février 1985. Dans ces affaires, les cotisations ont été calculée sur le montant net payé « brut » (soit en y ajoutant les cotisations personnelles et le précompte).